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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 décembre [1839], mercredi soir, 6 h. ¼

Je viens seulement de finir à présent tous mes nettoyagesa de maison. Cet incendie de poche avait tant mis de poussière noire et de fumée partout qu’il était urgent de ne pas laisser séjourner cela une minute de plus. Aussi le torchon mouillé, le plumeau et le marchepied ont fait leur besogne à qui mieux mieux. Je ne parle pas de mes jambes, de mes reins et de mes bras, que je n’ai pas épargnés non plus. Je t’aime, toi, mon adoré, je t’aime. Je te prie, mon bon petit homme, de ne pas oublier nos conventions au sujet de Claire et des compliments. Je regarde cette précaution comme indispensable et je te prie de t’en souvenir ce soir et demain et chaque fois que tu la verras.
Tu as été souffrant hier, mon Toto chéri, et je voudrais que tu prissesb quelque soin de ta chère petite personne ces jours-ci afin que cette petite indisposition n’ait pas de suite. Pour cela, il faut suivre un régime alimentaire doux et nourrissant, ne pas aller à la pluie et au brouillard, et coucher avec Juju. Voilà ce qu’il faut faire, mon bon petit homme, pour remettre l’équilibre dans votre chère petite carcasse, y compris vos petits boyaux. Je suis très fâchée maintenant de vous avoir dit toutes mes ficelles parce que je ne pourrai plus vous faire faire ce que je veux. Je suis une bête et une bavarde. Cher cher bijou, j’aime mieux que tu me refusesc tout que de le devoir à la ruse, si innocente qu’elle soit. Je ne veux de toi que de l’amour, le reste m’importe si peu que tu peux me le donner ou me le refuser à ton gré sans que je m’en soucie le moins du monde. T’aimer et être aimée de toi, voilà mon ambition, mon désir, mon caprice, ma fantaisie, mon besoin, ma vie et ma joie. Baise-moi, vieux Toto. Baise-moi. J’espère que tu vas venir bientôt, mon cher adoré. J’ai besoin de te voir, il y a déjà trop longtemps que je n’ai baisé ta charmante petite bouche, je la désire, je la veux. Quand je pense combien nous l’avons échappé belle tantôt, j’en suis toutd émerveillée. C’est cela qui eût été un tableau d’intérieur ravissant, qu’un homme et qu’une femme en chemise en plein midi s’échappant par une fenêtre pour éviter la roussissure de trop près. En vérité, nous sommes nés coiffés mais cependant je désire ne pas recourir de sitôt à la même chance que celle d’aujourd’hui, et toi ? Je t’aime, mon adoré. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 123-124
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « nétoyages ».
b) « prisse ».
c) « refuse ».
d) « toute ».

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