Guernesey, 30 mars [18]70, mercredi matin 7 h. ½
Bonjour, bonjour mon cher bien-aimé, vénéré et adoré. Je te demande pardon d’avoir résisté si longtemps à ta raison et à ta justice toujours impartiale et si sublimement généreuse pour tout le monde et surtout pour tes ennemis. Encore une fois pardon, mon cher grand bien-aimé, pour mon entêtement rancunier. J’espère que tes deux braves enfants ne tomberont jamais dans aucun guet-apens impérial et je suis sûre que ton petit-fils sera digne de défendre l’honneur de son grand nom autrement que par les procédés princiers. Cette espérance et cette confiance, je les trouve dans ton pardon toujours plus grand que le crime quel qu’il soit et de quelque part qu’il sorte. Je te dis mal mais je sens bien et je suis sûre que tu comprends mon bégaiement. Je voudrais être sûre que tu as passé une bonne nuit pour m’en réjouir ce matin. En attendant je viens de lire ta seconde lettre si adorablement navrante sur le pauvre couple sublime englouti avec le NORMANDY [1]. Merci pour eux et pour toutes les chères âmes qui te bénissent là-haut pendant que je t’adore ici-bas. Sois béni.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 90
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « guet-à-pens ».