14 avril 1870

Guernesey 14 avril [18]70. Jeudi matin 6 h.

Il faut absolument, mon cher bien-aimé, que ta nuit soit extra-bonne pour compenser la mienne qui a été une insomnie blanche d’un bout à l’autre. Autrement je serais FRUSTREE, FRUSTREE, FRUSTREE POUR BIEN DIRE, au risque de vous horrifier par ces italiques prétentieuses autant que monstrueuses. DAM, COUTEZ-DONC, CITOYEN, COUTEZ-DONC… ! Tout le monde qui va chercher dessous de fricot chez l’ÉPINE n’a pas le moyen de se payer des styles de bon goût. Je sens où le bât me blesse ET PIS VLA TOUT. Autre guitare, j’ai rompu avec Tourtel le jardinier hier parce que je crois qu’il abuse, si non de ma confiance au moins de ma patience ; et comme ce môsieur ne veut pas supporter une observation, même à travers son apprenti, j’ai dû lui faire dire que je m’adresserai à un autre moins susceptible et plus exact. Bien entendu que tu n’es pas mêlé à ce petit conflit^a et que tu continueras à t’en servir tant que tu seras content. Je ferai demander à Naftel qui a une très belle serre et un jardin quel^b est son jardinier et si je peux m’en reporter à lui. Autrement je demanderai au bonhomme de Putron mardi prochain à qui je dois m’adresser pour être bien servie et consciencieusement. Je ne t’en ai pas parlé hier ne voulant pas mêler aucun papotage de ta maison à cette petite exécution surtout dans le premier moment. Je lui ai fait dire, à ce jardinier fonctionnaire, de m’envoyer son compte. J’espère que tu m’approuves et je t’adore jusque dans ton [monogramme de Victor Hugo^c] inachevé [1].

BnF, Mss, NAF 16391, f. 105

Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette


a) « confli ».
b) « qu’elle ».
c) Monogramme (V dans l’H) :

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