Guernesey, 9 avril [18]70 , samedi matin, 6 h. ½
J’espère, mon pauvre génie de somme, que tu as eu enfin une vraie bonne nuit, suffisante pour compenser toutes les mauvaises que tu viens de passer. Il serait grand temps que Môsieur le Petit Georges vînt faire une joyeuse diversion à la sévérité de ta vie. Ce ne serait que la juste récompense de la tâche surhumaine que tu accomplis si courageusement tous les jours que Dieu fait. En attendant tu feras bien de profiter de tous les rayons de soleil que le printemps nous donnera. Jusqu’à présent ils ont été assez rares. Ce matin, encore, le ciel me paraît trop douteux pour risquer une promenade en plein vent. Mais je me tiens prête au premier signal d’une vraie belle journée. J’ai remarqué avec bonheur que tes chers yeux sont bien apaisés. Un peu de grand air et de campagne verte achèveront leur guérison. Comme tu ne te lasses pas d’être bon, généreux, grand et sublime, moi je ne me lasse pas de t’aimer, de te vénérer, de t’admirer et de t’adorer.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 100
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette