Guernesey, 1er avril [18]70, vendredi matin, 8 h.
Permets-moi, mon cher bien-aimé, avant de te donner mon bonjour, de te demander tout de suite comment tu as passé la nuit. Je crains que ton mouvement d’impatience hier contre Mme Chenay ait beaucoup nuia à ton sommeil et au sien aussi en même temps. Et cependant, tu as bien fait d’insister et de vaincre son opiniâtreté inhumaine envers le pauvre Kesler [1] dont la situation s’aggrave de minute en minute ainsi que te le dira Mariette aujourd’hui si tu le lui demandes. Le médecin de la maison a même dit hier à la mère Pingalley de t’en avertir. Du moins, Suzanne me l’a rapporté ainsi hier en me couchant. Cela, compliqué, du nouveau procès de ton Charles et de ton LIVRE [2] attendu par Lacroix, doit s’ajouter péniblement à la fatigue de ton travail incessant et surhumain et j’en suis très tourmentée. Je donnerais tout au monde pour te garantir de toutes les tristesses de la vie. Malheureusement je n’y peux rien que t’aimer et souffrir avec toi et t’adorer.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 92
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « nuit ».