Guernesey, 6 octobre 1860, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher adoré, bonjour c’est-à-dire bonheur, amour. J’espère que tu as passé une bonne nuit ? Quant à moi, je n’ai fait qu’un somme en deux ou trois actes, ce qui est superbe pour moi qui n’en ai pas l’habitude. Je t’ai vu te promener hier au soir dans la galerie de chêne et puis entrer dans ton lucoot et j’en ai profité pour t’envoyer un tendre petit rebonsoir avant de me coucher. Les Vilaina doivent être bien près de Saint-Malo dans ce moment-ci. Puissent-ils y débarquer comme Mr Dumollet [1] et nous revenir l’année prochaine car ce sont de bien bons êtres dont le voisinage est doux et sain au cœur. Quant à moi je les reverrai avec le plus grand plaisir parce que je peux t’aimer et t’admirer devant eux à ciel ouvert. En attendant qu’ils reviennent, et ce n’est pas tout de suite, il faut que je prenne un parti pour mon tapis ce qui m’embarrasse un peu à cause de mes habitudes de LISIÈRES dont tu as eu jusqu’à présent l’entière et arbitraire direction. Cependant comme je sens que ton travail doit être respecté, je tâcherai de m’en tirer le moins mal possible et tantôt je reprendrai les mesures exactes des deux tapis et je les donnerai ce soir à miss Allix pour qu’elle les fasse passer à son frère [2], lequel vous enverra des renseignements précis et définitifs d’après lesquels nous nous déciderons avec connaissance de cause. En attendant, mon bien bon petit homme, je te remercie de m’avoir permis si généreusement et si gracieusement l’achat de ce petit bahut qui n’est pas encore acheté car Grut n’est pas revenu et je ne crois pas que j’y enverrai Suzanne. Mais, que je l’ai ou non, je n’en suis pas moins touchée et heureuse de la façon toute gracieuse dont tu me le donnes. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 262
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « Vilains ».