Guernesey, 27 déc[embre] [18]72, vendredi soir, 5 h. ¾
Tout est bien qui finit bien, n’est-ce pas mon adoré bien-aimé ? Ma journée commencée par une déception s’achève dans la joie de t’avoir vu tout à l’heure et dans le bonheur de passer toute la soirée avec toi. Cette douce pensée me délasse d’une journée bêtement laborieuse et je me sens déjà toute ragaillardiea. Je suis bien contente d’avoir mis les précieux papiers en ordre et sous clé. Dorénavant, il ne faudra plus les déclasser parce c’est très long et très ennuyeuxb à remettre en ordre. À ce propos, mon grand bien-aimé, il faudra que tu interrompes, pendant une minute seulement, ton sublime et divin labeur pour m’écrire ne fût-cec que le quart d’une ligne pour mes Etrennes [1]. Ce que je te dis aujourd’hui, je te le redirai encore d’ici là, au moins une fois pour que tu n’oubliesd pas de l’écrire la veille pour le jour de l’an. Je tiens plus à ce petit papier qu’à tous les autres papiers monnaies ou à monnayer. Aussi, mon adoré bien-aimé, je ne te ferai pas crédit d’un quart de seconde quand bien même tu me rendrais les quarante-huit sous d’ancien avec les intérêts des intérêts, des intérêts suffisant pour payer la Prusse et racheter l’Alsace et la Lorraine [2] ; ma petite lettre vaut mieux et plus encore que tout cela. Je te la demande à cor et à cris, avec tout mon amour et avec toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 357
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « régaillairdie ».
b) « ennuieux ».
c) « fusse ».
d) « n’oublie ».