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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 6 déc[embre] [18]72, vendredi matin, 8 h. ¾

Cher bien-aimé, tu as dû passer encore une mauvaise nuit si j’en juge d’après l’heure de ton lever. Il est vrai que, moi qui étais debout avant le coup de canon, je ne l’ai pas euea meilleure pour cela. Aussi, j’espère me tromper sur la tienne. Je te guettais au passage depuis une heure quandb tu as paru sur ton toit, si rapidement que tu n’as pas eu le temps de voir que j’étais en dehors de la fenêtre de mon cabinet, ouverte pour laisser passer la poussière qu’on y faisait en le balayant à ce moment-là. Mais je t’approuve et je te remercie mon adoré bien-aimé, de n’être pas resté plus longtemps les pieds sur ta terrasse mouillée ; c’est déjà trop que tu y sois venu. Simple question : pourquoi donc Mme Chenay s’attache-t-elle avec tant d’acharnement et de persévérance à T’INTRODUIRE à Mademoiselle Jun [1] ? Quel plaisir en tire-t-elle pour jeter ainsi tous ses engouements passés par-dessus les moulins ? J’accorde que cette demoiselle est charmante de tout point et qu’elle a des mérites et des vertus à revendre, mais est-ce à Mme Chenay à s’en faire la marchande, au détriment de ses anciennes passions les dames de Putron, Marquand, Bourgaize et tutti quanti ? Si tu le sais, dis-le moi pour mon édification personnelle qui patauge en ce moment dans toutes ces toiles d’araignées, dans toutes ces dentelles, dans toutes ces coquetteries et dans toutes cesc soies plus ou moins bien tendues. En attendant, je t’aime en toute sécurité et avec toute confiance et avec l’autorité de quarante années de fidélité et l’espérance d’une éternité d’amour entre nos deux âmes. Cela dit, mon grand adoré, je laisse le champ libre à toutes les concurrences avouées ou secrètesd pour ne m’occuper qu’à t’aimer, à t’admirer, à t’adorer et à te bénir.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 336
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « eu ».
b) « quant ».
c) « ses ».
d) « secrèttes ».

Notes

[1Mlle Louise Yung, professeur de français à Plymouth en Angleterre, amie et correspondante de Victor Hugo et de Georges Métivier (le poète national guernesiais) depuis 1866. Elle rencontrait Hugo, qui l’admirait beaucoup, à Guernesey, à Bruxelles ou à Paris.

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