Bordeaux, 22 février [18]71, mercredi, 6 h. du soir.
En hâte, mon cher bien-aimé, je te donne mon cœur, ma pensée, mon âme. Je suis en retard parce que j’ai ici quelques réparations à faire à mes zardes, mais cela ne m’a pas empêchée d’être avec toi toute la journée. J’espère qu’il ne se sera rien passé que de bon aujourd’hui pour toi, dans ton bureau à la Chambre. J’espère aussi que tu feras tout ton possible pour me faire entrer à la séance où tu parleras. Car il faudra bien que tu parles, la nécessité finit par s’en faire trop sentir. Ton fils le constatait hier en te priant de donner au plus vite satisfaction à la France qui a faim et soif de ta parole divine. Quant à moi, mon cher adoré, j’en ai plus besoin encore que qui que ce soit et je ne me consolerais jamais, je le sens d’avance, si je perdais cette occasion de t’entendre. Aussi je te supplie de ne pas me faire ce chagrin. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16392, f. 6
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette