Guernesey, 11 septembre 1861, mercredi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, je te souris et je t’aime de toute mon âme. Si tu as bien dormi et si tu n’es plus enrhumé je suis la plus heureuse des Juju. Et à ce sujet, mon cher adoré, je te supplie de ne pas te contraindre ni te gêner le moins du monde pour reconduire le soir Mme Engelson et pour laisser ta chambre dans l’obscurité quand tu le trouves utile. Si tu m’aimes, je n’ai rien à craindre et toutes ces préoccupations ne peuvent rien ajouter à ma sécurité. Si tu ne m’aimes plus, ou si tu m’aimes moins, ce qui est la même chose, ce n’est pas la privation de ton libre-arbitre qui pourra cacher cet irréparable malheur à mon amour trop clairvoyant. Aussi, mon adoré, je te prie d’agir en toute chose à ton aise, naturellement et comme il te convient. Plus tu seras libre de ton cœur et de tes actions, plus je serai heureuse de ton amour et sûre de ta fidélité. Ainsi, mon adoré, voilà qui est bien convenu : liberté entière pour toi, sécurité complète pour moi tant que nos deux cœurs ne feront qu’un comme à présent. Si tu veux que nous fassions une petite promenade tantôt je me tiendrai prête, ce qui n’empêchera pas celle de l’après-dîner puisque nous aurons besoin de faire contrepoids par notre bonheur mutuel à l’absence de ton cher petit.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 93
Transcription de Florence Naugrette