Bruxelles, 12 septembre 1868, samedi matin, 8 h.
C’est à peine si j’ose confier mon bonjour au bec de ma plume tant j’ai peur de te communiquer mon hideux rhume. Il faudra, quand nous nous verrons, te tenir à une prudente distance de moi si tu veux échapper à la contagion morveuse et toussante dont je suis infectée. Cela ne m’a pas empêchée de dormir mais je n’en suis guère plus vaillante pourtant ce matin, car je souffre de partout à la fois. Des douleurs aiguës que j’attribue au rhume d’abord, aux rhumatismes ensuite et enfin à la goutte, ma compagne assidue. Toutes ces jolies choses s’entendent à me tourmenter à qui mieux mieux mais elles ont beau faire, elles ne m’empêcheront pas de t’aimer, de te trouver grand, bon, ineffable et adorable par-dessus tous les hommes. De ton côté, mon bien-aimé, pense à moi et aime-moi pour me faire prendre courage et patience jusqu’au moment où je te reverrai.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 253
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette