Guernesey, 13 juin 1868, samedi, 6 h. ¼ du matin
Tu es en avance de moi aujourd’hui, mon cher bien-aimé, et peut-être de beaucoup mais je ne m’en plains pas si c’est en raison de l’excellence de ta nuit comme je le crois. Quant à moi, je dors tant bien que mal en dépit de l’excessive chaleur qui m’agite extrêmement. Ce phénomène n’est pas nouveau chez moi et je ne t’en parle que parce que tu exiges que je te tienne au courant de toutes les vétilles [1] de ma vie. Quant à la suppression très momentanée de ma flanelle, ne t’en inquiète pas ; car, loin d’être un danger, elle m’aide au contraire à supporter la température trop élevée pour mon état goutteux. Personne mieux que moi ne peut savoir ce qui convient à mes infirmités physiques et morales. Donc, mon cher adoré, permets-moia d’user de mon droit de flanelle et de calicot [2] selon le besoin que j’en ai. Quel stupide et maussade gribouillis ! Mais aussi, c’est ta faute. Pourquoi prendre tant de souci de ma carcasse ? Le mieux est de lui laisser la bride sur le cou et de s’en rapporter à nos deux âmes qui savent qu’elles ne doivent et ne peuvent pas partir l’une sans l’autre. Est-ce clair ?
BnF, Mss, NAF 16389, f. 164
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « permet-moi ».