Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Mai > 7

7 mai 1840

7 mai [1840], jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon adorable petit homme, bonjour, bonjour. Pourquoi que t’es pas venu ce matin déjeuner avec moi, méchant ? C’était pourtant bien le moment, la maison propre, plus d’ariasa et une Juju très amoureuse. Il est vrai que vous retrouverez toujours la même Juju et les mêmes désirs et le même amour mais ce que vous ne retrouverez pas c’est une occasion de bonheur perdue et c’est toujours avec une tristesse indicible que je les vois s’envoler sans que nous en ayons profité. Baisez-moi mon amour. Je regarde votre petiteb voiture d’or sur ce pavé bleu avec le dôme de cristal, c’est ravissant. Tout ce que j’ai ici me vient de toi et me paraît à cause de cela dix millions de fois plus joli. Il ne manque que toi pour en faire un paradis. Il est vrai que c’est comme si je disais qu’il me manque tout. Mes comparaisons, même les plus sérieuses et les plus enthousiastes, sentent toujours le M. de La Palice à une lieue à la ronde, ce n’est pas ma faute mais celle de mon petit esprit qui n’est pas de la même force que mon amour et qui ne pouvant pas le porter à bras tendu le laisse tomber par terre et le plus souvent sur la tête. Aussi ne pouvant pas compter sur lui en aucune circonstance je m’en passe comme tu ne le vois que trop et je te dis tout bonnement que [je] t’aime, que je t’admire et que je t’adore. Maintenant voici ce que j’ajoute comme complément : que je te désire, que je t’attends et que je t’espère. Si tu peux me faire sortir tantôt cela me fera plaisir et nous irons voir à notre soupièrec [1] quoique je la regarde comme ayant VÉCUd pour nous. Quant à l’argent de Pradier j’ai un pressentiment que nous ne l’aurons pas de sitôt. Je t’aime mon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 119-120
Transcription de Chantal Brière

a) « arrias ».
b) « petit ».
c) « soupierre ».
d) « VÉCUE ».


7 mai [1840], jeudi soir, 6 h.

Cher cher bijou, revenez bien vite car je suis triste et souffrante loin de vous et aussitôt que vous paraissez je ne sens plus que le bonheur de vous revoir et de vous avoir. J’ai à peine eu le temps d’emplir mes yeux de votre beauté, mes oreilles de votre douce voix, ma bouche de votre haleine que vous étiez déjà reparti. Heureusement pour moi que mon cœur n’a pas besoin de vous voir pour être plein de votre pensée et de mon amour car vous vous éclipsez si vite que je n’aurais pas le temps de vous reprendre.
Je souffre mon Toto, j’ai la tête vide et douloureuse, je peux à peine me tenir assise, enfin je suis une vraie patraque. Je ne te copie rien encore ce soir quoique j’aie préparé les petits papiers à cette intention ce matin. Je travaillerai le plus que je pourrai à mes rideaux après quoi je me coucherai. Tâche de venir bientôt mon adoré car je suis guérie dès que je te vois et ton absence est pour moi une vraie maladie. Baise-moi alors et viens tout de suite. Pauvre amour je croyais que nous n’aurions rien à dépenser ce mois-ci en sus de la dépense ordinaire et des 80 F. de dettes et pas du tout la nécessité de faire refaire tous les matelas de la maison, le nettoyagea de la susdite maison et mes chapeaux vont encore rendre ce mois-ci horriblement lourd. Oh ! mon Dieu que je voudrais donc ne rien dépenser ou tout gagner moi-même, tu aurais du loisir, du repos et je serais la plus heureuse femme du monde car je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 121-122
Transcription de Chantal Brière

a) « nétoyage ».

Notes

[1Objet que Juliette convoite et qu’elle a dessiné dans plusieurs lettres précédentes.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne