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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 mars 1840

30 mars [1840], lundi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour mon bon petit bien-aimé, bonjour toi que j’aime de toute mon âme, bonjour. Comment vas-tu ce matin, mon pauvre bien-aimé ? Je ne t’ai pas fait de tisanea de chicorée parce qu’avec ton enrouement cela ne serait pas bon. Je ne t’ai pas fait non plus d’autre tisanea jusqu’à nouvel ordre et dans l’espoir, bien désiré, que ce ne sera plus rien aujourd’hui. J’ai fait ton eau, comptéb mon linge et copiéc mes beaux vers qui sont bien à moi, ceux-là, car tu les as faits pour ma fête il y aura deux ans au mois de mai prochain [1]. Je les ai baisés tous comme la première fois que je les ai lus et je vous aime de toute mon âme. Je n’ai plus rien à copier et je ne te demanderai pas à sortir aussi si tu ne viens pas un peu dans la journée je serai bien mouzon et bien triste. Je vais cependant être bien bonne et bien patiente parce que je sais que tu travailles et que tu n’as pas le temps de venir. Tâche seulement de penser à m’aimer au milieu de tes occupations car je suis bien malheureuse et bien à plaindre de ne pas te voir et que je t’aime de toutes mes forces et de toute mon âme. Je voudrais bien qu’il fît enfin beau pour toutes sortes de raisons dont la principale est que tu ne serais pas exposé aux rhumes et aux fluxions de poitrine comme un simple homme, et la seconde que tu n’aurais pas besoin de gagner la nuit le bois que je brûle le jour. Il me semble que c’est assez comme ça et que toutes les autres raisons sont inutiles après ces deux-là ? Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16341, f. 318-319
Transcription de Chantal Brière

a) tisanne ».
b) « compter ».
c) « copier ».


30 mars [1840], lundi soir, 4 h. ½

Bonjour mon bon petit bien-aimé, c’est la seconde fois d’aujourd’hui que je vous donne mon bonjour, et vous ne le lirez que lorsque mon cœur vous dira bonne nuit. Enfin ce sera à vous à faire de l’à-propos de tous ces gribouillis que je vous écris à midi et que vous lisez à quatre heures du matin. Mon amour est de tous les instants, ainsi vous ne risquez rien de le prendre à votre loisir et à l’heure qui vous est le plus commode. Il fait presque beau aujourd’hui. Quel miracle ! Il faut espérer que demain il pleuvra à versea, ce sera toujours autant, surtout si tu viens me prendre pour sortir comme c’est probable. Je suis bien triste, je n’ai pas de copie. Cependant j’ai fait acheter du beau papier ce matin et j’ai une plume toute fraîche taillée. Vous voyez que vous êtes un vilain de ne m’avoir pas apporté de la joie, de la patience et presque du bonheur pour supporter votre absence. Taisez-vous, vous êtes une vieille bête. Papa est bien i mais ça n’est pas souvent ni longtemps. Baisez-moi toujours, en pensée puisqu’il n’y a pas moyen de faire mieux et tâchez de venir le plus tôtb possible. Je vous aime avec impatience, j’aimerais bien mieux vous aimer avec la SAUCE NATURELLE DE L’AMOUR, LE BONHEUR.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16341, f. 320-321
Transcription de Chantal Brière

a) « averse ».
b) « plutôt ».

Notes

[1« À cette terre où l’on ploie », poème du recueil Les Rayons et les Ombres, daté du 20 mai 1838.

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