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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 21 novembre 1852, dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour, mon petit bien-aimé, je t’aime, je te souris, et je répète ton fameux refrain : merde de chien, merde de chien, [fais ?]-moi faire un citoyliiiien. Malheureusement l’intonation inimitable me manque. Aussi je le chante mieux au-dedans qu’au-dehors. Cela ne m’empêche pas d’insister sur la CONNAISSANCE [1] au contraire et le besoin s’en fait de plus en plus sentir. Robinson lui-même dans son île s’est passé cette fantaisie dès qu’il l’a pu. Je ne vois pas pourquoi je ne chercherais pas quelque fidèle Vendredi pour me tenir compagnie le samedi le dimanche et le reste de la semaine. Ceci doit être permis même dans l’île la moins DÉSERTE mais peuplée de crapauds. J’y aviserai sérieusement et j’y POURVOIRAI solidement. En attendant, mon pauvre petit homme, j’ai manqué mettre le feu à mon lit, le verre de la lampe a touché aux franges de coton du lit sans que je m’en aperçoive. Quelques instants de plus et je me serais réveillée dans un lit de braise. Triste situation pour une pauvre Juju qui n’a aucune vocation pour le gril de Saint-Laurent. Heureusement j’ai éteint ma lampe à temps et j’en suis quitte pour une peur rétrospective. Mais ce qui est différé n’est pas perdu dit le proverbe. Aussi je compte bien que la soûlerie de ma propriétaire suppléera à ma maladresse manquée très prochainement. C’est dans ce doux espoir que je me félicite de n’avoir plus tes chers et précieux manuscrits auprès de moi. Peut-être même serait-il prudent à toi de prendre la ceinture pour la même raison. Je t’y ferai penser aujourd’hui. D’ici là mon bien-aimé je t’adore sans CONNAISSANCE.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 187-186
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Jersey, 21 novembre 1852, dimanche matin, 11 h.

Il ne serait pas impossible que tu viennes maintenant, mon cher petit homme, mais si tu me donnais à choisir j’aimerais mieux que tu réservesa cette trop courte apparition pour la joindre à ta visite désirée et impatiemment attendue de tantôt. De cette façon je n’aurais pas le déchet dans le temps que tu me destinesb de l’aller et retour deux fois au lieu d’une. Après cela, mon amour, en y pensant bien je préfère te voir tout de suite et te revoir bientôt, cela ferait encore mieux mon affaire. Malheureusement je n’y compte pas car je te sais chiche de tes minutes et avare de ta personne. Cependant, mon bien-aimé, tu ne peux pas te donner à quelqu’un qui fasse plus de cas que moi de cette générosité et qui conserve plus religieusement et avec plus de bonheur le souvenir de ta chère petite présence. Si tu ne le sais pas c’est que tu es encore plus bête que je ne suis stupide et alors merde de chien fais-moi faire une connaissance [2], merde de chien etc. etc. Voilà, mon cher petit salop, ce que je vous dis en VERS, en prose, en pantomime et en photographie. Vous ne pouvez donc plus prétexter d’ignorance sur ce sujet. Tant pire pour vous si vous ne vous exécutez pas de bonne grâce. Vous en subirez toutes les conséquences et le citoylien [3] par-dessus le marché.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 189-190
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « réserve ».
b) « destine ».

Notes

[1« Merde de chien fais-moi faire une connaissance », écrivait Juliette dans la lettre précédente. La source de cette citation nous est inconnue.

[2Juliette emploie cette citation non élucidée depuis plusieurs lettres.

[3Orthographe volontaire, liée à la citation mystérieuse.

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