Paris, 17 juillet 1881, dimanche matin, 8 h.
Pour une chaleur, c’est une chaleur, mais que le diable l’emporte si elle doit durer longtemps encore à ce degré-là ! Plus de sommeil possible, plus d’appétit, rien qu’une hideuse et insupportable et fiévreuse suerie ! Pour moi je suis capable d’en crever de beuverie pour peu que ce trop picalisme [1] se prolonge seulement de quelques jours. J’aime mieux qu’on me ramène non aux carrières, mais aux glaces éternelles où on peut souffler dans sesa doigts pour se réchauffer.
Je viens de dépouiller ton courrier et j’y trouve une lettre de Rambaud, le chef de cabinet de Ferry, qui t’apprend que, sur ta recommandation, on va nommer Mlle Lemoine institutrice.
Je ne m’y oppose pas, mais je serais curieuse de savoir d’où tu les tires ces jeunes et intéressantes postulantes à tous les emplois, à tous les grades et autres, comme dit notre bon Lesclide.
En attendant, ce même Lesclide viendra tantôt travailler avec toi, pour peu que tu t’y prêtes, ce qui n’est pas bien sûr. Quant à moi, avant de me laisser envahir par un douloureux farniente, je te bâcle ma restitus tout de suite pour avoir le droit de ne plus bougerb le reste de la journée.
Je t’aime, je t’adore, je te souris et je te bénis de cœur et d’âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 160
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « ces ».
b) « boujer »