Paris, 29 déc[embre] [18]79, lundi matin, 8 h.
Partie gagnée aujourd’hui, mon doux adoré, puisque tu as bien dormi et que le dégel est enfin venu ! La neige fond et s’enfonce à vue d’œil et la terre se remontre presque gaie et en humeur de printemps. Pourvu que cela ne reprenne pas, les pauvres pourront être moins malheureux. En attendant tu as obtenu ce que tu demandais pour l’économe de Brest qui passe de la seconde classe à la première sur ta recommandation. Ferry t’en donne la nouvelle dans les termes les plus enthousiastes et les plus respectueux. Le ministre de la guerre [1], dont je n’ai pas pu déchiffrer le nom, espère que le président de la République accordera sur ta demande la remise pleine et entière de ce qui reste de temps à faire au condamné que tu protèges. Puis des cartes à foison. Châ n’est pas châle mais châ tient de la plâche et surtout beaucoup de temps et quand on n’a pas beaucoup à perdre comme moi, c’est embêtant.
Cher bien-aimé nous allons recommencer ce soir la fameuse partie carrée [2] en dînant avec Georges et avec Jeanne, M. et Mme Lockroy dînent en ville de leur côté. Si tu le trouves bon on pourrait inviter les Lesclide. C’est à toi à en décider, moi je n’ai besoin de rien ni de personne si tu m’aimes.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 317
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette