Paris, 22 mars 1881, mardi matin, 8 h.
Je t’ai embrassé sans te réveiller tout à l’heure, mon cher bien-aimé, tant tu dormais profondément. Je ne sais pas ce qu’a été ta nuit, mais je souhaite de tout mon cœur qu’elle ait été aussi bonne que la mienne. Je vais en profiter pour prendre un bain. Je te préviens, entre-temps, qu’il y aura séance publique au Sénat à deux heures aujourd’hui (urgence déclarée). Je te préviens, en outre, que je n’ai plus un sou de tout mon trésor amassé tous ces temps derniers et qu’il va falloir que tu m’en donnes séance tenante. Est-ce clair ?
Ce qui ne l’est pas moins et tout aussi pressé, c’est une lettre de la maison Hetzel et Cie te priant de signer le bon à tirer du titre du volume qu’elle va publier de ton édition définitive [1]. Le texte du courrier est à l’ordinaire bourré de vers enthousiastes, de demandes d’apostillesa, de présidences d’honneur et de recours sous toutes les formes et sous tous les prétextes. Puis, brochant sur le tout, ma bonne vieille restitus se hâtant, à l’aide de ses vieilles pattes de mouches, d’accourir vers ton cœur qui, je l’espère, n’est pas trop loin du mien.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 59
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « aspostille ».