14 octobre [1841], jeudi après-midi, 3 h. ¼
Vous vous moquez toujours de moi, vous me tracassez sans cesse et me tyrannisez toujours, mais prenez garde que je ne dépouille une bonne fois ma peau d’agneau pour revêtir celle du Tigre. Je me lasse à la fin de mon rôle de mouton [1] et je vous prépare quelque bonne représaille dont vous me direza des bonnes nouvelles une fois que vous en aurez tâté.
La Penaillon vient de venir avec ses 22 mètres de flanelle que j’ai payésb bien entendu, compris le précédent petit coupon de 7 F. 5, ce qui a fait un total rond de 73 F. 5 sous. J’ai pris cet argent en partie sur celui destiné à payer la pension de Claire [2], il ne reste plus en tout que 110 F. chez moi. Cette dépense était nécessaire et l’occasion était vraiment bonne, malheureusement les noyaux ne poussent pas aussi vite que les nécessités de la vie et les bonnes occasions de la Penaillon. Je sais tout cela, mon pauvre adoré, trop bien quand je te vois piocher jour et nuit comme un pauvre chien dans un tournebroche. Je suis prête à te venir en aide, mais comment ? Voilà la question. Il y a bien un moyen mais tu ne veux pas t’en servir, à mon grand déplaisir et désappointement car rien ne serait plus facile et plus juste. Enfin, ça n’est pas votre idée, vous aimez mieux vous crever à travailler jour et nuit, ça n’est pas drôle. Baisez-moi et taisez-vous.
J’ai fini de copier ma tâche [3]… J’attends après vous maintenant, en attendant je travaillerai à mes chemises. J’ai encore à coller vos affreux petits morceaux de papier et à me débarbouiller mais ce sera bientôt fait. Jour, vilain monstre, jour scélérat, bonjour démoniaque. Mon dessin [dessinc] est un peu confus mais dès que j’aurai ma boîte à volets [4] je ferai mieux, car en fait d’art PLASTIQUE personne ne peut me dégoter. Ia ia monsire matame, il est son sarme
N’allez pas à Saint-Prix [5], monstre, si vous ne voulez pas je renouvelle au naturel la scène des pendus de la Siera Morena [6]. C’est bien assez de vous laisser recevoir des FAUMES chez vous et de vous permettre d’aller faire le Chinois [7] avec tous ces vieux magots [8] d’académiciens sans encore me laisser toute seule pour RAVERDIR toute la soirée et toute la nuit. Entendez-vous, scélérat, IL EST ORDONNÉ PAR MOI que tu reviennes tout de suite ici.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16347, f. 31-32
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « dont vous m’en direz ».
b) « payé ».
c) Dessin d’un personnage humanoïde à bec et crête :
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