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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 septembre [1841], dimanche matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon amour chéri, bonjour ma joie, bonjour ma vie, bonjour mon tout. Je t’attends ou plutôt je te désire de toute mon âme, mon adoré, car je sais bien maintenant que le plus tôta que je te verrai ne sera que ce soir fort tard. Mais je te désire et je te convoite comme si cela pouvait te faire venir tout de suite. Voici déjà très longtemps que je suis levée, mais j’ai attiféb ma Clarinette pour l’envoyer à la grand-messe où elle est dans ce moment-ci [1].
Et puis, s’il faut tout vous dire, j’ai fourré mon museau dans votre CRÈME. Ia ia monsire, je me suis régalée de toutes mes forces, excepté toutes les petites notes dans lesquellesc vous pouvez seul vous reconnaître j’ai tout lu. Vers et prose, Grecs et Romains, Saxons, Francs et Allemands, j’ai tout avalé, y compris le petit taudis et tout ce qu’il contient. D’ailleurs vous ne me l’aviez pas défendu, ainsi tant pire pour vous. Tout cela est admirable et je suis aux anges quand je peux en grignoterd quoi que ce soit [2]. QUEL BONHEUR !!! Jour Toto, ne soyez pas trop heureux sans moi là-bas et tâchez de revenir bien vite [3]. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 231-232
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».
b) « attiffée ».
c) « lesquels ».
d) « grignotter ».


19 septembre [1841], dimanche soir, 5 h. ¼

J’ai encore beaucoup à attendre, mon amour, pour voir votre ravissante figure, cependant j’espère que vous n’aurez pas la férocité de passer encore cette nuit à la campagne ? Si cela était vous ne me retrouveriez plus à la même place, c’est probable car j’ai déjà beaucoup de peine à y demeurer avec l’espoir que vous reviendrez ce soir.
J’ai profité de ce que vous n’étiez pas là pour nettoyera et faire nettoyera les deux petits toits ainsi que le reste de la maison. J’ai payé le mois du frotteur échu le 17 et il ne me reste plus d’argent, Lafabrègue étant venu hier chercher son acompte. Je vais être obligée de reprendre encore cinq francs sur ton argent pour la dépense de demain. Mon pauvre adoré, je ne peux pas faire autrement, à moins de nous pendre les dents au croc ou de prendre à crédit, ce que tu ne veux pas non plus. Enfin je fais pour le mieux et je t’aime. Je suis toute seule avec ma Clairette, dépêche-toi de venir. Je t’attends et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 233-234
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « nétoyer ».

Notes

[1Claire, pensionnaire d’un établissement de Saint-Mandé depuis 1836, passe à ce moment un mois de vacances chez sa mère.

[2Ces derniers mois, Victor Hugo a consacré tout son temps à la rédaction du Rhin et il vient d’achever les deux tomes attendus par ses éditeurs, moins la Conclusion (en cours) et la Préface. C’est ainsi que ce jour-même du 19 septembre, il écrit de Saint-Prix à M. Rampin, l’un de ses banquiers : « Le livre peut paraître dans huit jours, si vous le croyez bon » (Victor Hugo, Œuvres complètes, Correspondance, Tome IV, ouvrage cité, p. 177).

[3Pendant l’été 1841, les Hugo ont loué à Saint-Prix, dans le Val-d’Oise, un appartement meublé de la mi-juin à la mi-octobre, et le poète y passe du temps de juillet à octobre pour terminer la rédaction du Rhin.

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