17 janvier 1862

Guernesey, 17 janvier 1862, vendredi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon doux adoré, bonjour. Tu es encore clos et couvert dans ton dodo ; restes-y le plus longtemps que tu pourras pour t’y bien reposer et pour ronronner un peu s’il est possible. Un biau temps, [A GNÉ [1] ?], mais du temps BEN dur. J’en ai déjà pincé une onglée soignée. Du reste je me porte comme un loup ; et vous, mon cher petit homme, comment que vous vous portez ce matin ? Vous me direz cela tantôt en faisant grincer votre scie sur mon catarrhe^a, sur mes rhumatismes et autres végétations de la saison, et je vous ficherai^b des coups et je me porterai bien après pour vous apprendre à être un vilain homme sans respect et sans indulgence pour les infirmités d’autrui. À propos d’autrui, et quoique vous en disiez de votre chandelle entre deux portes, je suis bien sûre de m’être couchée hier à onze heures sans avoir vu aucune [illis.] chez vous, ce qui [me  ?] fait croire que vous avez fait votre apparition dans le RAOUT de Hauteville ou que vous êtes allé faire les doux yeux à la lune sur la montagne. Vous étiez dans votre droit pour l’une et l’autre chose et vous avez bien fait de choisir mais je trouve que vous auriez mieux fait encore et plus sagement de donner la préférence à votre lit après la journée laborieuse que vous veniez d’avoir, ceci dit en tout bien, tout honneur, tout amour et tout cœur. Je vous saute au cou et je vous pardonne, telle est ma grandeur.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 16
Transcription de Brigitte Siot assistée de Florence Naugrette

a) « catharre ».
b) « je vous ficherez ».