9 janvier 1862

Guernesey, 9 janvier 1862, jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour en chair et en os car je vous vois vous agiter tout nu dans votre chambre, raisonnablement close, du reste. Enfin, vous avez l’air naturellement fort gaillard et comme un homme content de sa bonne nuit. Nous verrons si toutes ces apparences ne sont pas trompeuses. En attendant, je me conduis comme une femme pleine d’espoir et de certitude. J’ai dormi comme un sabot et je me porte admirablement bien ce matin. Vous voyez que ma situation n’est rien moins que pitoyable.

Cher, cher bien-aimé, que je voudrais pouvoir remplacer mon insignifiant gribouillis par des tendresses effectives et par des soins affectueux au lieu de rabâcher toujours les mêmes niaiseries et les mêmes lieux communs. Ils ont beau être pleins d’amour et de sollicitude, ce n’en sont pas moins des banalités que la première venue pourrait te dire mieux que moi, tandis que je défie qui que ce soit de t’aimer avec autant d’adoration, autant d’admiration et de dévouement que moi la pauvre Juju bête.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 10
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Guy Rosa