12 juillet [1841], lundi matin, 11 h.
Bonjour mon Toto. Comment vas-tu mon bon petit bien-aimé ? Pourquoi ne veux-tu donc pas venir mon amour ? Je sais bien que tu travailles, mon pauvre petit homme, mais ça ne doit pas être une raison de ne pas venir te reposer auprès de moi, AU CONTRAIRE.
J’espère que ton mal de gorge n’a pas persisté ? Hélas ! le magnétisme attractif de ma cuvette n’a pas persisté non plus lui, ce doit être du magnétisme le plus ANIMAL puisqu’il s’est aussi vite lassé de vous. Pour un rien je le jetteraisa à la benne. Il est vrai que mon sacrifice ne serait pas bien CONSÉQUENT parce qu’elle ne tient plus ni à fer ni à clous et qu’elle ne retient plus l’eau qu’on y verse. C’est peut-être aussi par ses fentes qu’elle a laissé fuir le talisman qui vous faisait venir [1]. Enfin je ne sais pas, mais ce que je sais, c’est que je ne vous vois pas assez, et que je ne sais à quel singe, à quel pot, à quelle cruche me vouer. C’est fort triste.
Je vais écrire tout à l’heure à Mlle Hureau pour qu’elle m’envoie la note du trimestre de Claire qui échoit demain [2], en même temps j’écrirai à Claire pour qu’elle me donne le détail exact de ce qu’elle perd à ce désastre général [3]. De toute façon c’est toujours une perte et un malheur pour tout le monde parce qu’il y a bien des petites choses qu’on ne peut pas réclamer en bonne conscience quoiqu’elles vous fassent fauteb. N’est-ce pas mon Toto ? Je t’aime, baise-moi et ne me laisse pas t’attendre en vain toute la journée.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 41-42
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « jeterais ».
b) « fautes ».
12 juillet [1841], lundi après-midi, 1 h. ¾
Je veux tâcher de travailler un peu cet après-midi, mon amour, c’est pour cela que je t’écris de bonne heure.
J’ai un très gros mal de tête que j’attribue au temps et aussi à la préoccupationa fatiganteb de savoir comment tu pourras résister à toutes les charges qui s’accumulent sur nous de jour en jour. Ainsi le charbon d’aujourd’hui payéc ainsi que la blanchisseuse, il ne me reste que les 20 F. de Mignon et de Lafabrègue, c’est-à-dire rien, puisque cet argent est déjà donné en pensée sinon de fait. Enfin c’est fort triste quand on songe que tu n’as que ton travail pour subvenir à tout ça. C’est fort triste et fort inquiétant, mon bien-aimé, et tu dois le comprendre au moins autant que moi.
J’ai écrit tantôt à Mlle Hureau et à Claire, nous verrons si le malheur est aussi grand que le disent les journaux.
Je vais me dépêcher d’arranger mon mantelet et de raccommoderd différents zaillons parmi lesquels est ta chemise rose. Je t’aime, mon Toto chéri, mais je voudrais te voir plus souvent. Le temps me paraît mortellement long loin de toi. Tâche de venir bientôt, je t’aime, je t’aime, je t’aime. J’ai un mal de tête absurde et je suis couverte de boutons, effet du sirop. Que le diable emporte la médecine et les médecinse [4].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 43-44
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « préocupation ».
b) « fatiguante ».
c) « payer ».
d) « racommoder ».
e) « médecin ».