5 janvier [1841], mardi après-midi, 1 h. ¾
Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon bon petit homme. Comment vas-tu, mon Toto, ce matin ? Moi je vais mieux, je vais prendre ce matin mes deux petits clystères [1], après quoi je crois que je serai hors d’affaire pour un bout de temps.
Pourquoi n’êtes-vous pas venu ce matin, scélérat, vous avez eu peur de mon cataplasme peut-être ? Mais la nuit prochaine je n’en mettrai pas, ça fait que vous seriez forcé de venir.
Nous n’avons plus que deux jours pour connaître votre sort [2]. J’avoue que le jeu m’intéresse et que je PARIE pour vous avec confiance. Je voudrais être déjà plus vieille de deux jours quoique je tienne beaucoup à ma jeunesse, comme vous savez, mais pour cette fois j’avanceraisa avec plaisir l’aiguille de deux jours pour savoir plus vite de quelle longueur sont les nez de vos meilleurs ennemis [3]. En attendant, je désire que vous ne m’abandonniez pas trop à moi-même et que vous me donniez quelque signe de vie d’ici là.
Je vais vous faire acheter un bifteckb pour ce soir. Je crois aussi que je prendrai une petite goutte de café bien faible, tout à l’heure, pour me remettre un peu la tête que j’ai à l’envers depuis 4 jours. Ne grognez pas et songez que c’est une habitude de ma vie sédentaire et que je ne peux pas l’interrompre sans en ressentir de grandes douleurs au cerveau. Taisez-vous, ça ne vous regarde pas. D’ailleurs, vous n’avez qu’à me faire sortirc tous les jours. Vous êtes un scélérat, baisez-moi. Je vous aime mon petit bien-aimé, je vous adore mon cher petit homme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 11-12
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « j’avancerai ».
b) « biffeteck ».
c) « sortire ».