18 octobre [1837], mercredi matin, 9 h. ¾
Bonjour, cher bien aimé petit homme, bonjour. Sans vous je dormirais encore, c’est bien probable. Je vous demande pardon de ma paresse et je vous adore. Voici le temps qui se gâte pour nous laisser moins de regrets de n’avoir pas été aux Roches [1], mais c’est égal, le petit pèlerinage que nous projetons, il faudra le faire. Ce sera charmant de revoir toutes ces chapelles d’amour et d’y faire à chacune au moins une station de dévotions. Jour mon cher petit To. Jour. Tu n’as peut-être pas dormi de la nuit, toi, tandis que je faisais du lard dans mon lit. C’est indécent. Si je pouvais je me donnerais des coups de pieda quelque part. Je suis vraiment honteuse. Je t’aime mon Victor adoré. Je t’aime autant que tu es beau, que tu es noble, que tu es admirablement bon. Ainsi juge si je t’aime ! Je voudrais te revoir tout de suite. À présent je regrette d’avoir perdu cet éclair de bonheur que tu m’as apporté ce matin et dont j’ai peu profité attendu l’obscurité profonde et l’état de somnambulisme dans lequel j’étais. Vous auriez dû, méchant, rester davantage. J’aurais eu le temps de vous baiser et de vous respirer tandis qu’à présent je vous désire vainement.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 285-286
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « pieds ».
18 octobre [1837], mercredi soir, 5 h. ¾
Pauvre bien-aimé, je sais bien que j’ai mauvaise grâce à me plaindre quand toi tu ne te plains pas. Peut-être aussi que si je travaillais pour toi je supporterais plus patiemment et plus courageusement ton absence, parce que le dévouement à la personne qu’on aime fait faire bien des actes héroïques. Mais quand en place de cela on sait qu’on est à charge et qu’on aime comme je t’aime, on est fort triste et fort démoralisée. Je ne veux pourtant pas que tu me grondes, aussi je renfonce ma tristesse dans le fin fond de mon cœur. Je t’aime mon cher petit homme. Ce matin ta petite excursion m’avait mise en goût. J’espérais que tu allais revenir très tôt. Hélas voici la nuit noire et vous ne venez pas. Je sais bien que je raccommode mes guenilles mais ça ne m’arrange que tout juste. J’aimerais mieux vous baiser. Manière ne vient toujours pas. C’est vraiment terrible qu’on ne puisse jamais obtenir d’exactitude de cet homme-là. Et puis vous qui ne pensez plus à la flanelle, tout cela me fait tourner en chien. Vous êtes bien heureux que je vous aime comme une forcenée pour vous pardonner tous vos trines. La première fois que ça vous arrivera je vous f [2]. MA BOTTE DANS LE JUSTE MILIEU. Soir pa. Quand que [3] je vous baiserai sur vos belles dents ?
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 287-288
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein