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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 19 novembre [18]63, jeudi matin, 9 h. ½

Comment se fait-il, mon cher doux adoré, que t’aimant comme je le fais je n’aie pas pu mettre un mot l’un devant l’autre depuis deux jours ? Hélas ! c’est que je suis surchargée jusqu’à l’invraisemblance de toutes les tracasseries du ménage et que tout mon être physiquea est absorbé dans des occupations absolument fastidieuses et fatigantesb. L’apparition si mal venue de cette servante bretonne [1], loin de m’avoir donné du repos, n’a fait qu’empirer et compliquer ma situation intérieure. Tout cela cependant ne devrait pas peser devant le bonheur de t’aimer, de te le dire, de te le gribouiller, de te l’insuffler par tous les pores et jusqu’au plus profond de ton cœur. Donc je suis une bête et une criminelle d’y avoir manqué pendant deux stupides jours et je ne veux pas me le pardonner avant d’avoir comblé cette lacune dans les annales de mes restitus. En attendant ma sœur qui, au fond, ne s’amuse guère, dans mon TRENTE MILLE (est-ce le mot de la chose que j’entends ?) se décide à partir très prochainement. Elle n’a pas encore arrêté son jour mais elle s’occupe activement de divers petits achats spéciaux qu’elle veut emporter. Moi je la laisse faire sentant bien que je ne peux pas être à elle comme je le voudrais et autant que je le voudrais. Cela l’obligera à revenir dans un temps plus opportun pour elle et pour moi et tout à fait au grand complet de mari et de fils. Je te demanderai pour elle tantôt la permission d’aller voir le dîner des enfants [2], puis je t’aime, mon adoré bien-aimé, et mon âme déborde d’admiration et de reconnaissance.

J.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 256
Transcription de Gérard Pouchain

a) « phisique ».
b) « fatiguante ».

Notes

[1« Émilie, la bretonne nouvelle venue, est repartie ce matin. » (Agenda de Victor Hugo, 17 novembre 1863)

[2Le premier dîner des enfants pauvres invités à Hauteville House a eu lieu le 10 mars 1862.

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