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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 février [1836], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit Toto, comment te sens-tu ce matin ? Ta pauvre gorge, comment va-t-elle ? Cette disposition au mal de gorge que tu as eu tout cet hiver annonce un grand échauffement qu’il faudrait combattre par des soins et des rafraîchissements que tu dédaignes de prendre. Cependant, si tu m’aimais autant que je t’aime, mon cher amour, tu prendrais soin de ta chère petite personne et tu ménagerais davantage tes veilles pour qu’elles puissent durer plus longtemps. Je te dis tout cela pour t’engager à ménager ta santé et ton repos qui me sont bien autrement plus importants que tout le reste. Je voudrais que tout fût vendu, que j’aie un engagement suffisant pour me faire vivre et tu verrais, mon cher petit Toto, que tu te reposerais, que tu serais heureux et moi aussi. Car, vois-tu, je te le dis parce que c’est bien la vérité, mais cela me tourmente jusque dans mon sommeil de savoir que tu travailles toutes les nuits sans relâche.
Mon pauvre cher bien aimé, trouvons un moyen de te donner du repos, n’importe à quel prix.
Je t’aime.

J.


BnF, Mss, NAF 16326, f. 93-94
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


12 février [1836], 9 h. du soir

Mon pauvre cher adoré, je ne vous ai vu qu’un tout petit peu ce soir, et encore vous aviez l’air tout mouzon devant le monde. Je t’aime, moi, tout ce que je te dis de folie veut dire que je t’aime. Je voudrais te parler comme à un enfant pour avoir le droit de te caresser comme un enfant bien aimé.
Cher petit homme, je regrette d’un côté les politesses que je fais de l’autre, car je pense avec remords que ce sont autant d’heures de ton sommeil qui s’en vont dans ces bonnes grâces forcées. Ma chère âme, je voudrais tant me substituer à toi. Je voudrais tant que ce soit moi qui veille et toi qui dormes. Je serais si heureuse que je donnerais à l’instant tout ce qui me reste de jeunesse pour te prouver que je t’aime comme tu mérites d’être aimé. Oh ! oui, je le ferais à l’instant ce sacrifice-là, si tu pouvais m’aimer vieille et laide au-dehors mais jeune et pleine d’amour au-dedans. Mon frère adoré, mon amant bien aimé, venez vite, je vous aime plus que je ne puis dire. Je baise vos petits pieds et vos mains microscopiques.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16326, f. 95-96
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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