Guernesey, 28 décembre 1862, dimanche, 5 h. ¼ du soir
Je vais donc te voir, mon cher bien-aimé, je vais donc remplir mon cœur, mes yeux, ma vie, mon âme de joie, de rayon, d’amour et de bonheur ! La journée a beau être courte et les occupations multipliées, ton absence ma paraît éternelle et fait un affreux vide dans tout mon être. Je ne vis vraiment qu’en ta présence et je ne m’intéresse à rien hors de toi. J’espère que tu auras trouvé moyen d’épargner à ce malheureux Ch. [1] l’aveu humiliant de sa faute tout en le forçant à remplir des engagements envers le cochounay en question. Je voudrais que tout fût fini pour ne plus en entendre parler. Pour toi, d’abord, que toutes ces vilénies exaspèrent et pour lui que cela déconsidère trop sérieusement. Mais comment te remercier de ta galanterie d’hier, mon bien-aimé, comment remercier ton cher petit Toto ? Je ne le sais vraiment pas à moins que mon amour, d’une part, et ma reconnaissance de l’autre ne soit un remerciement suffisant pour chacun de vous. Je l’espère et je vous les donne à tous les deux à plein cœur et de toute âme.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 282
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa