Guernesey, 22 octobre 1862, mercredi soir, 3 h.
Il n’y a pas le plus petit mot pour rire à trouver de ce temps-ci, mon cher petit homme, aussi je n’y essaie même pas. Je me contente de t’aimer et de te désirer dans mon for intérieur, laissant la bourrasque indéfinie casser mes pauvre petits arbres et le déluge noyer mes pauvres poules. Tout cela est triste et lugubre à voir, mais je t’aime et le soleil est dans mon cœur.
Je voudrais être à ce soir pour avoir moins de temps à t’attendre, car il est probable que tu mettrasa tout le reste de la journée à profit dans ta maison. Quant à moi, j’ai fini ma tâche de ménage tout à l’heure. Il ne reste qu’à faire la DAME, ce à quoi je m’entends le moins. Cependant, comme j’ai le désir bien sincère et bien ardent de te plaire, je fais tous les efforts pour dépouiller mes rugosités natives et pour user les aspérités de mon caractère, mais cela n’est pas facile et il est à craindre que je ne meure avant d’en avoir effacé une seule. Je t’aime, voilà ma seule qualité.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 218
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
a) « metteras ».