20 janvier 1862

21 janvier 1862

Guernesey, 20 juillet 1862, dimanche soir, 8 h.

Je suis épuisée, éreintée, courbaturée et échinée, mon cher petit homme, mais je t’aime, mais je suis heureuse, mais je Jujubile car je suis venue à bout de faire ce cher petit pélerinage à notre colonne auquel je tenais tant et que nous n’avions pas encore pu faire depuis notre retour ici. Enfin nous l’avons vue, cette chère hideuse colonne, ce doux MONSTRUEUX THE MONUMENT [1]. Nous l’avons revu par le plus beau temps du monde et dans les meilleures conditions du corps, du cœur et de l’esprit ; je suis contente, je remercie Dieu et je t’aime par-dessus mon âme. Je ne crois pas que je pourrai redoubler le passus ce soir parce que mes jambes ne sont pas à la hauteur de mon cœur, mais je suis sûre qu’assise ou debout, dehors ou dedans, je te souris, je t’aime et je te bénis comme ce qu’il y a de meilleur, de plus grand et de plus adorable au monde.

BNF, Mss, NAF 16383, f. 184
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa

Notes

[1] Le même jour, Hugo note dans son carnet : « 20 juillet. Pour ma fête. Promenade à notre colonne. La première depuis 1860 ». Le 10 février 1860, il avait écrit dans son Agenda (CFL, t. X, p. 1508) : « Je suis allé pour la première fois que je suis dans l’île à la pointe de Jerbourg, au-delà de la colonne. Avec JJ. » Il s’agit de la colonne Doyle érigée à Jerbourg Point, sur la paroisse de Saint-Martin, en l’honneur du général John Doyle, gouverneur de Guernesey de 1803 à 1815. Hugo la mentionne dans L’Archipel de la Manche (XVI) : « Guernesey admire le général Doyle. Ce sont deux anciens gouverneurs du commencement de ce siècle. On trouve à Jersey Don-street et à Guernesey Doyle-road. En outre, Guernesey a bâti et dédié à son général une grande colonne qui domine la mer et qu’on voit des Casquets. » [Remerciements à Gérard Pouchain pour cette note].