9 août [1837], mercredi après-midi, 3 h. ¾ [1]
Mon cher bien-aimé, je t’écris plus tard que de coutume parce que j’ai eu beaucoup à faire et que j’ai commencé tout de suite après que tu m’as eu quittée. Je n’ai pas fini, il s’en faut bien, mais j’ai besoin de respirer un peu et de me délasser dans ta pensée. J’ai une mauvaise nouvelle à t’apprendre. Il paraît qu’on est venu pendant notre absence hier demandera si j’étais dans mes meubles, qui était le propriétaire à ma place [2]. J’ai fait monterb le portier pour m’expliquer mieux cela. Tout ce que j’en ai pu tirer n’est guère clair ni satisfaisant. Dans tous les cas, il faut redoubler de précaution. J’ai cherché tous les titres de propriété de Lanvin et je les ai mis de côté à sa disposition. Je vais en outre écrire à Jourdain pour le prévenir de se tenir prêt à seconder Lanvin si besoin était. Tout cela ne m’a pas arrangé mon indisposition. Si les bains passent ce soir j’en prendrai un [3]. J’ai beaucoup à faire d’ici là. Mais ta pensée, mon cher adoré, mais la certitude d’être tout à fait à nous vendredi matin me donne des forces et du courage, et s’il le fallait je courraisc bien fort de la Bastille à la Madeleine et de la Madeleine à la Bastille sans m’arrêter. Je suis très contente de moi. J’ai été grande et désintéressée ce matin. Je me trouve plus dans mon assiette depuis que je vous ai rendu votre plat. Je vous aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 160-161
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « demandé ».
b) « monté ».
c) « courerais ».
9 août [1837], mercredi soir, 5 h [4].
Je t’écris presque coup sur coup, mon cher bien-aimé, parce que si le bain vient ou si je commence une certaine besogne de raccommodage et de rangeage [5] je ne pourrai plus le faire que très tard et qu’avec le bonheur il vaut mieux toujours être en avance parce que ce qu’on tient ne peut pas vous échapper. J’ai écrit à Jourdain et à la mère Lanvin des lettres que tu verras. J’ai aussi réglé le compte de la bonne jusqu’au 11 septembre. Je crois bien ne pas te voir avant cette nuit et encore… en supposant que tu seras bien gentil et que tu voudras bien n’être pas malade. Je souffre toujours mais j’espère que le grand air et surtout le bonheur m’ôteront cela comme avec la main. Soir pa. Soir man. J’ai encore mon passeport à acheter et mon cabas. Il ne me reste que l’argent pour un bain s’il vient aussi. Tu vois où j’en suis. Justement le voici le bain. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 158-159
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein