Guernesey, 10 février 1862, lundi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon pauvre bien-aimé, bonjour avec tous les baisers et toutes les tendresses que je n’ai pas pu te donner hier au soir au moment où tu t’en allais tant j’avais le cœur gros et la tête malade. Je sentais que si j’ouvrais la bonde à mon amour ce ne serait pas sans larmes et je me suis retenue de courir après toi pour pouvoir me contenir afin de ne pas prolonger ta veille et ta fatigue et ne pas t’exciter les nerfs à toi aussi. Enfin, mon pauvre adoré, j’ai fait de mon mieux pour ménager ta nuit aux dépensa de mon cœur qui ne demandait qu’à s’épancher de son trop-plein de tendresse. J’espère que mon sacrifice n’aura pas été inutile et que tu auras bien dormi toute la nuit et même que tu dors encore ce matin. Quant à moi j’ai passé une très bonne nuit après avoir été longtemps agitée et ce matin je vais très bien et j’irai encore mieux quand je serai sûre que tu [plusieurs mots illisibles] et que tu m’aimes toujours. En attendant je t’envoie ce que j’ai de meilleur, de plus doux et de plus tendre en moi et je te supplie de me pardonner le petit moment d’impatience que j’ai eu hier quand j’ai cru que tu pouvais penser que j’avais perdu une de tes épreuves [1] ou tout au [illis.] moi qui passe ma vie dans le respect, l’admiration et le soin de tout ce que tu écris [plusieurs lignes illisibles] de la nuit et dans une sorte de demi sommeil [m’avait fait mal ?] mais ce n’est pas une raison pour M’IMPATIENTER AUSSI JE T’EN DEMANDE [illis.].
BnF, Mss, NAF, 16383, f. 36
Transcription de Chantal Brière
a) « au dépend ».