12 avril 1882

Paris, 12 avril [1882], mercredi matin, 9 h. ½

J’espérais, mon pauvre grand bien-aimé, que mon insomnie cette nuit serait plus que suffisante pour te laisser une longue nuit de sommeil. Il paraît qu’il n’en est rien et je le regrette comme d’un double emploi inopportun^a. Je crois qu’il faut attribuer ta mauvaise nuit à l’excès de galanterie que tu as dépensé hier pendant toute la soirée pour cette pseudo princesse que le diable emporte et son arménien avec [1]. Il est triste de penser que tu te laisses accaparer^b par tous ces serins nissimes [2] qui ont plus d’altesses à la clef que de vrai mérite. Moi-même je ne suis pas sûre de ne pas être redevable de mon agitation nocturne à ce couple plus que bizarre. Toujours est-il que je viens de leur renvoyer leurs fameux statuts qu’ils m’avaient prié de leur rendre. Du même coup, et sans débrider, j’ai écrit à Bergerat pour samedi prochain. Je pense qu’ils viendront^b s’ils sont à Paris. Autre guitare, le jardinier te prie pour la troisième fois de vouloir bien lui payer son mémoire qui se monte à 170 F. 30 centimes. Tâche de le lui payer aujourd’hui si tu peux, mais surtout tâche de m’aimer en conscience, comme je t’aime, sans faire tort à mon cœur d’un seul battement du tien.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16403, f. 52
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « inoportun ».
b) « viendrons ».