Guernesey, 9 mai [18]63, samedi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon bon petit homme, je t’aime, et, si tu es content de ta nuit, je le suis autant de la mienne car j’ai dormi comme une bûche et sans presque me réveiller depuis hier au soir jusqu’à ce matin. Je crois que notre ravissante promenade y était pour quelque chose et, surtout, par-dessus tout, ta bonté ineffable qui me pénètre jusque dans la moelle des os et me vivifie corps, cœur et âme. Que Dieu te le rende en gloire et en bonheur, mon adoré bien-aimé, et jusque dans tes enfants bénis.
J’espère que tu auras une lettre charmante de ta chère femme aujourd’hui que ton charmant (non bis in idem [1]) petit Victor [2] nous lira ce soir. Il paraît, à ce que m’a dit Mme Chenay, que le Phare de la Loire [3] a fait un article très chaud sur le livre de Mme Hugo [4], ce que je comprends de reste, mais pourquoi ne m’avez-vous pas apporté ce numéro intéressant qui m’aurait fait tant de plaisir à lire ? THAT IS THE QUESTION ? Taisez-vous et apportez-le moi tout de suite… [ambes, otte, ?] ou je ne vous montre rien du tout, tels sont mes scrupules religieux. À propos de religion et de scrupule je voudrais bien que Marie Sixtya [5] nous donne de quoi boire ce soir au festival car je ne possède en tout et pour tout que deux bouteilles et demie de vin ce qui constitue une orgie médiocre. Après cela si vous vous en contentez je ne demande rien de plus ; mais demain, pour toi et pour Mme Chenay, mais le lundi, mais le mardi pour le dîner qu’est-ce que vous boirez, les soiffards de vin ? autre THAT IS THE QUESTION à laquelle je vous prie de répondre. En attendant je vous fiche mes tendresses à tort et à travers, en veux-tu en voilà.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 121
Transcription de Chantal Brière
a) « Marie Sixtis ».