Guernesey, 13 avril [18]63, lundi soir, 6 h. ½
Je reprends ta plume toute chaude au risque de m’y brûler les doigts, mais aucun danger ne saurait arrêter ma restitus au vol et voilà pourquoi j’ai le courage de mon outrecuidance. Encore si tu n’étais pas enrhumé ce ne serait que plaisir, mais, mon pauvre petit homme, te voilà pris par le nez et Dieu sait jusqu’où cela te conduira. J’espère que tu auras le bon esprit de t’arrêter en chemin à l’aide de la glycérine que je viens de descendre pour toi. Et puis je compte surtout sur une bonne nuit pendant laquelle tu transpireras bien. En attendant tu ferais peut-être bien de ne pas faire ton passus ce soir. Mais je te fais là des recommandations oiseuses et inutiles de toutes façons puisque tu ne les liras que demain matin en supposant que tu les lises. J’oublie toujours en t’écrivant que tu es absent et que ce sont des MOTS et non des PAROLES que je te dis. Enfin, mon pauvre bien-aimé, tâche de te soigner de ton mieux pour souffrir le moins longtemps possible et aime-moi malgré tout car je t’adore, en tout état de corps, d’esprit, de cœur et d’âme.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 95
Transcription de Chantal Brière