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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mars 1849

22 mars [1849], jeudi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon adoré petit homme, bonjour à tout crin et à bride abattue, bonjour ; je t’aime, et vous ? Vous savez que je vous interpellerai à la prochaine occasion et que je vous demanderai des éclaircissements, CLAIRS, sur des choses qui ne le sont guères. Je serai très difficile à satisfaire, je vous en préviens. N’oubliez pas que d’ici là, vous me redevez un morceau de la séance d’hier. J’ai le droit d’exiger une séance tout entière et je l’exige. Je redemande la petite table et beaucoup de dessert dessus. Pour mes vingt-cinq francs, c’est bien le moins qu’on me donne le café et le pousse-café avec son bain de pied à indiscrétion. Je n’ai pas beaucoup compris pourquoi je devais aller seule chez Mme Sauvageot puisque tu iras de ton côté à l’Assemblée ? Peut-être que ce n’est qu’une manière adroite de te débarrasser de ma carcasse, auquel cas je n’ai rien à dire sinon que tu devrais me le dire tout bonnement, sans chercher midi à quatorze heures. Juju, tu m’embêtes, va te promener… toute seule que : attends-moi sous l’orme de la mère Sauvageot. Ce serait tout aussi poli et plus honnête que : Juju, tu iras de ton côté et tu reviendras de même parce que Chaumontel doit me conduire et me ramener de l’Assemblée. Vous auriez le mérite de la vérité et le courage de votre opinion tandis qu’autrement c’est lâche ! Je vous le dis, mon Toto, vous ne méritez pas mon estime. J’en suis fâchée pour vous mais c’est comme cela.

Juliette

MVHP, MS a8166
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine


22 mars [1849], jeudi midi ½

Il fait un temps exquis et si les feuilles étaient aux arbres on se croirait au mois de mai. J’ai le cœur plein d’amour et si le bonheur était dans ma vie, c’est-à-dire si je t’avais à moi pendant deux mois, je me croirais revenue à mon printemps. Hélas ! Les feuilles viendront aux arbres bientôt mais le bonheur reviendra-t-il jamais pour moi ? J’en doute. Aujourd’hui par exemple, je ne me rends pas bien compte pourquoi je vais seule de mon côté pendant que tu vas du tien ? Il est vrai qu’il est peu probable que tu sortes seul, mais est-ce que tu trouves juste de donner la préférence aux autres quand tu as une pauvre femme qui attend impatiemment cette pauvre petite occasion de te voir, qui se torture le pied pour courir [1] après cette joie et qui met tout son bonheur à régler son pas sur le tien pendant trois quarts d’heure ? Toi si bon et si juste d’ordinaire, est-ce-que tu ne trouves pas qu’il y a là une injustice flagrante et une cruauté peu méritée ? Si tu le reconnais, il faut venir me chercher tout à l’heure et ne pas me laisser faire tristement et péniblement ce trajet qui, à deux, me paraît le chemin du paradis. En attendant, et pour profiter de ta bonne pensée, si elle te vient, je me dépêche de finir mes affaires et je te baise en courant et de toutes mes forces.

Juliette

MVHP, MS a8167
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Juliette se remet d’une crise de goutte dont elle a souffert deux semaines durant.

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