Guernesey, 5 septembre 1858, dimanche, 8 h. du m[atin]
Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour mon pauvre éprouvé, bonjour mon beaucoup trop tourmenté. Bonjour, je t’aime, je te plains, je t’adore d’autant plus que Dieu semble injuste et partial envers toi. J’espère que tu auras bien dormi cette nuit malgré toutes les agitations de la journée et que tu es complètement rassuré sur le petit bobo qui s’est manifesté hier ? J’espère encore que la perte inexplicable que tu as faite hier ne sera que momentanée et que ton voleur (s’il y en a un) aura rencontré trop de difficulté à se servir de cette valeur et que tu en seras quitte pour une opposition en bonne forme [1]. En attendant, tout cela est fort ennuyeux et s’ajoute péniblement à ta longue et délicate convalescence. Encore quelques jours de patience et de courage, mon cher adoré, et tu seras en pleine santé, en pleine tranquillité de cœur et d’esprit. Jusque-là, il faut te ménager tout en prenant des distractions. Tu as bien fait à ce point de vue là de reprendre tes travaux demain. Mon bien-aimé, je t’adore. Nos doux anges [2] le savent et doivent te le dire avec leurs douces voix d’âmes. Je t’aime.
Juliette
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 253
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette