Paris, 8 avril [18]79, mardi matin, 6 h.
Cher bien-aimé, je cherche mon bonjour le moins engrimacé, le moins douloureux et le moins enragé pour te l’envoyer avant que mon mal ne m’absorbe tout à fait. Cette nuit a été encore pire que l’autre qui semblait, cependant, ne pouvoir pas être dépassée. Le laudanum m’a apporté [ligne illisible] tortures, au contraire et je ne sais plus à quel diable me vouer dans ce moment-ci même. Impossibilité de rester au lit, impossibilité de me tenir debout et impossibilité de m’asseoir. Telle est ma situation dans le monde à l’heure qu’il est. Je t’assure, quoi quea tu en penses, j’en aimerais mieux une autre. Cela ne m’empêche pas, heureusement, de ne penser qu’à toi et de t’aimer et de t’admirer et de t’adorer avec connaissance de cause. Je pense, même, à écrire à Mme Simbozel pour l’inviter à dîner ce soir afin de lui commander tes chemises en la priant de se hâter car il paraît que tu en manques littéralement et littérairement. Il est vrai que tu es vêtu si somptueusement de gloire que tu veux dédaigner cet appareil d’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil [1]. J’y consens, cela ne me choque pas, au contraire, pourvu que tu ne t’enrhumes pas.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF, 16400, f. 94
Transcription de Chantal Brière
[Souchon, Massin]
a) « quoique ».