Paris, 28 janvier [18]79, mardi matin, 7 h. ½
Cher bien-aimé, où en es-tu de ta nuit et comment s’est-elle passée ? That is the question que je me pose tous les matins avec l’espoir, pas toujours justifié, d’une bonne réponse. En attendant qu’elle m’arrive, cette réponse, je la suppose aussi bonne que je la désire. Je ne sais pas à quelle heure tu dois et tu veux être au Sénat aujourd’hui mais je te donne ici le mot à mot de l’ordre du jour : à une heure réunion dans les bureaux.
1e pour la nomination de comptabilité.
2e pour la nomination de la commission des Finances.
3e pour la nomination d’une commission d’examen de la loi Luro.
4e pour l’examen de la loi Jules Favre.
5e séance publique à trois heures.
Voilà par le menu le sommaire du Sénat. Tu trouveras une lettre d’un citoyen de Liège qui t’annonce que le citoyen Joseph Demoulin [1] est mort dans cette ville avant hier à l’âge de 54 ans. Ce citoyen s’appelle Félix [Magener ?]. Il a eu l’honneur de te voir autrefois à Bruxelles ; sa lettre est très bien. Tu en trouveras d’autres toutes remplies de sollicitude pour la Petite Jeanne [2] et d’admiration et de vénération pour toi. Seulement quand auras-tu le temps de les lire ou de les entendre lire ? Quant à moi je ne peux que te les signaler au fur et à mesure qu’elles arrivent. Tout cela me prend le plus clair de ma journée et le plus grand de mon papier tous les jours à preuve que j’ai à peine la place de t’écrire le fond et le tréfondsa de mon cœur et de mon âme : JE T’ADORE.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 29
Transcription de Chantal Brière
a) « tréfond ».