Guernesey, 19 juin 1858, samedi matin, 7 h.
Bonjour, mon cher petit voisin, bonjour, mon cher petit Dictateur, bonjour, je vous aime. J’espère que vous êtes content de moi en tant que Docteur et qu’écrivain ? Quant à moi, je suis heureuse de vous obéir en tout et de vous COMBLER par-dessus le marché ! Et puis, pour ne pas vous gêner et pour ne pas me gêner moi-même, par contrecoup j’irai de temps en temps après mon diner voir l’une [des] deux voisines que vous savez. Tout cela a déjà été convenu entre nous hier au soir, mais je le répète pour que vous vous en souveniez mieux. Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Ton sirop a-t-il agi comme tu le désirais ? Je t’attends ce matin avec l’espérance que tu as guéri et que tu pourras achever de lire à ta famille les belles choses que tu as commencées [1] de leur lire hier. Je leur souhaite ce bonheur complet aujourd’hui, car je sais par moi-même quelle fête c’est pour le cœur et pour l’esprit que d’écouter ta divine poésie dite par toi. Pourtant, il ne faut pas que ta bonté dépasse les forces de ta voix ; et si tu te sens mal à la gorge encore tantôt, il ne faut pas lire. Il ne faut pas t’exposer à une PHARYNGITE nouvelle même pour donner une heure de suprême bonheur à tes enfants. L’occasion d’ailleurs pouvant se retrouver tous les jours, le jeune Bellier à part. Sois donc prudent, mon bien-aimé, et ne fais que ce que l’état de ta gorge te permettra de faire tantôt. Je t’aime
BnF, Mss, NAF 16379, f. 130
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette