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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 février [1845], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon amour bien aimé. Je baise ton beau front bien fatigué, je baise tes beaux yeux bien doucement pour ne pas te déranger, car tu dois être bien occupé si tu n’as pas encore fini. Moi j’ai fait toutes mes affaires intérieures pour n’avoir à m’occuper que de ta copiea quand tu me l’apporteras. J’ai passé une mauvaise nuit. J’ai fait des rêves affreux et je me suis réveillée trois fois en pleurant à chaudes larmes. Cela tient probablement à ce que je ne t’ai pas vu cette nuit. Je l’ai remarqué souvent. Quand je ne t’ai pas vu le soir, je passe mal la nuit et je fais de vilains rêves. Heureusement que ce vilain travail touche à sa fin et que tu pourras me rendre la douce habitude de t’embrasser tous les soirs. En attendant, je fais comme je peux, c’est-à-dire que je grogne tant que la journée dure et que j’ai des cauchemarsb toutes les nuits. On ne saurait mieux employer son temps, n’est-ce pas mon amour ? Baise-moi, cher petit homme adoré, et prépare-toi à une VIE ATROCE dès que tu auras fini.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 117-118
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « de de ta copie ».
b) « des cauchemards ».


24 février [1845], lundi après-midi, 1 h. ¾

Tu ne viens pas, mon cher petit homme adoré, c’est que tu n’as pas encore fini. Je suis effrayée quand je pense qu’il faut que tu aies fini absolument ce soir [1]. Moi, je me tiens prête. Je suis sous les armes depuis hier, armée de pied en cap de mes plumes fraîchement taillées, de mon encre et de ma poudre. Je n’attends que toi pour me livrer à un travail acharné [2].
Le menuisier a apporté son mémoire qui se monte [à] 126 francs 47 centimes. Il reste encore celui du peintre et celui du serrurier à avoir, sans parler de Jourdain. Quand toutes ces dépenses seront mises les unes au bout des autres, cela fera un total effrayant. J’aurai à vivre bien économiquement toute l’année pour rétablir un peu l’équilibre. C’est ce que je ferai, mon amour chéri, avec le plus grand bonheur. Tu n’en doutesa pas, n’est-ce pas ?
Cher petit homme chéri, je t’ai fait acheter du miel tout à l’heure. Je vais te faire ton gargarisme pour ce soir. En attendant qu’il soit refroidi, tu te gargariserasb avec ton eau vinaigrée. J’ai hâte que tu viennes, car l’heure s’avance et tu dois avoir bien besoin de te rafraîchirc les yeux et la gorge. Je fais des vœux pour que tu aies fini et pour que tu viennes tout de suite et pour que tu ne souffresd pas. Je t’aime, mon Victor bien aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 119-120
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu n’en doute ».
b) « tu te gargarisera ».
c) « raffraîchir ».
d) « tu ne souffre ».

Notes

[1Victor Hugo travaille alors à la rédaction de son discours en réponse au discours de réception de Sainte-Beuve à l’Académie française le 27 février 1845.

[2Juliette Drouet attend vraisemblablement le discours de Victor Hugo pour le copier, afin qu’il soit mis au net pour le 27 février.

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