Guernesey, 17 avril 1858, samedi soir, 7 h. ½
À mon tour de te défendre d’être malade [1], mon cher adoré, mais j’ai grand peur que ma défense ne serve de rien cette fois et que le mal ne soit trop bien planté pour s’en aller devant ma première sommation. Cependant j’espère si tu veux te livrer à mes soins, que tu en seras quitte plus tôt que la dernière fois et avec moins de souffrance car d’après ce que j’en ai vu ce soir, ton clou ne serait qu’une simple POINTE, sans malice et sans venin. Je ris, mon bien-aimé, parce que je sais qu’il n’y a aucun danger dans ton indisposition et parce que je crois que tu en seras délivré bientôt. En attendant, je veux que tu me laisses te soigner et te panser même s’il faut aller chez toi puisque tu es seul dans ce moment et c’est bien le moins que j’en profite pour te soigner et te guérir. Cela d’ailleurs ne peut étonner personne à commencer par tes fils. Pourtant, si tu y vois des inconvénients sérieux, je n’insisterai pas et je me bornerai à t’aimer et à te plaindre dans mon for intérieur comme à présent où je ne peux pas faire d’avantage.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 80
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette