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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 février 1858, vendredi après-midi [illis.]

Que tu es bon, que tu es bon, que tu es bon, mon cher petit homme, mais je t’aime encore bien davantage, ce dont je suis bien heureuse et bien fière. Tous les voisins y compris la voisine ont reçu tes beaux cadeaux et je suis bien sûre qu’ils en sont dans l’admiration et qu’ils s’en sentent comblés et honorés. Quant à moi, je suis trop contente de faire les frais de votre générosité en vous donnant et redonnant mon machin toche [1] chinois. Il y a cependant un petit galon soie et or dont je me lècherais les babines avec volupté mais je ne vous le donne qu’avec plus de plaisir encore, telle est ma force. Du reste, je reconnais l’urgence de vous tenir une pièce libre à toute heure, le plus possible, les nécessités de la vie admises. Aussi, dès aujourd’hui, je ferai mon ménage en me levant et avant même de déjeuner. De cette façon, tu pourras aller et venir, t’asseoir et écrire dans ma chambre quand tu voudras, et comme tu voudras, sans être gêné par mes arias d’intérieur. Aujourd’hui, le hasard m’a bien sauvé, car tout était à sa place chez moi, quand cette belle miss est venue m’apporter sa requête, ce dont j’ai été très flattée dans mon amour-propre d’ordre et de nettoyagea grâce à ce brave Asplet [2], dont j’attendais presque la visite ce matin. Il est probable qu’il est parti maintenant, et arrivé chez lui, car il paraissait très pressé de retourner à ses amours, ce que je comprends très bien. Ce que je comprends mieux encore, c’est qu’on ne les quitte jamais, ses AMOURS, pour quelque intérêt que ce soit. Quant à moi, il n’y a que la crainte de n’être plus aimée de toi qui me ferait me sauver au bout du monde. Mais, tant que je me croirai aimée, rien ne pourra me séparer de toi, pas même une minute pour un million d’or monnayé. Tu en es bien sûr, n’est-ce pas, mon adoré ? Tu es bien sûr que tu es tout à la fois, mon amour, mon honneur, ma richesse, mon bonheur, ma vie et mon âme et que hors de toi, je n’existe pas. Tu ne peux pas en douter, mon cher adoré, si tu crois à toi-même, à l’amour et à Dieu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 30-31
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « netoyage ».

Notes

[1Jeu de mots entre « machin truc » et « Mackintosh » (imperméable à la mode).

[2Hugo parle également de cette visite de Charles Asplet qu’il note dans son agenda ce même jour : « Ch. Asplet est venu et m’a remis 25 F. pour la caisse » (CFL.)

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