Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1848 > Août > 21

21 août [1848], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour. Tu es resté bien peu hier mais mon cœur te sait bon gré de ce peu là car il lui a fait grand bien. Aujourd’hui je ne te verrai pas davantage probablement et il faudra bien encore que je m’en contente et que je me trouve heureuse bon gré mal gréa. Je ne te fais pas un reproche d’aller ce soir dîner à Saint-James, bien loin de là, mais je voudrais que tu trouvasses enfin le temps de dîner avec moi avant l’hiver venu. Voilà plus de six mois que tu me promets cette fameuse culotte et que tu me tiens les pouces serrés sous ce prétexte et cependant il n’y a pas plus de culotte que sur ma main et mes pauvres pouces commencent à s’engourdir et à perdre connaissance. Le froid et la pluie arrivent à grand pas et je n’aurais pas la plus petite culotte pour leur faire face. Enfin je suis très en train de grogner et si je me retiens c’est par égard pour votre titre de représentant du peuple et dans l’espoir de partager un jour très prochain vos vingt-cinq francs de subvention [1]. En attendant je bisque, je rage, je mange du fromage et je voudrais être au diable… avec vous. Sur ce baisez-moi et attendez-vous à une fière moue si vous ne me donnez pas ma culotte cette semaine.

Juliette

BnF, Mss NAF 16366, f. 281-282
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « bon gré malgré ».


21 août [1848], lundi matin, 10 h.

Je fais mes préparatifsa pour aller te trouver, mon doux adoré, j’espère y arriver sans trop souffrir quoique mon pied ait encore une excessive sensibilité [2]. Mais comme je mettrai des grands brodequins tout défoncés je pense que cela ne me fera pas de mal. D’ailleurs tant pire, cela ne me regarde pas. Ce qui me regarde, ce qui me touche, ce qui me plaît, ce qui m’est nécessaire, c’est de te voir. Le reste m’est égal. Je consentirais à fourrer mon pied dans un soulier trop étroit et à faire cinq lieues à pied aujourd’hui pourvu que tu sois avec moi et que le but soit une .
Malheureusement ça n’est pas possible et voilà ce qui fait mon chagrin. Quand donc, mon Dieu, cela sera-t-il possible ? Voilà bien longtemps que cette affaire est pendante devant nous sans que nous venions à bout de la redresser et d’en faire une chose respectable. Il me semble que si tu y mettais un peu de bonne volonté cela ne serait pas ainsi. Allons, Toto, un peu de courage, à la poche ! Laissez-vous aller tout doucement au Moulin Rouge et même beaucoup plus loin. Vous n’en aurez pas de regret vous verrez. Il n’y a que le premier PLAT qui coûte, les autres se mangent tout seuls. Essayez-en je vous en prie, je vous en supplie, et je vous adore.

Juliette

BnF, Mss NAF 16366, f. 283-284
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « préparatif ».

Notes

[1L’indemnité quotidienne d’un représentant du peuple était de vingt-cinq francs.

[2Juliette Drouet souffre du pied depuis le 17 août 1848.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne