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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 juillet [1848], samedi après-midi, 2 h.

Je t’écris de la maison, mon doux bien-aimé, parce qu’il m’aurait été désagréable de passer quatre heures hors de chez moi à t’attendre. Après le bonheur d’être avec toi, ce qui m’est le moins insupportable c’est ma maison. Au moins je peux t’écrire et songer à toi sans être obligée de répondre oui, non à tort et à travers à des conversations que je n’entends pas le plus souvent. Je suis allée à l’Institut et j’ai parlé à Pingard. Il paraît qu’il n’a été question de rien jeudi à l’Académie et ce serait tout simplement un cancan de journal. J’aime autant cela parce qu’il n’est que trop probable que tu n’aurais pas pu m’emmener ou si tu l’avais fait nous n’aurions pas pu être ensemble, ce qui est presque aussi pire. Maintenant, mon petit homme, il me reste à savoir quand et comment je pourrai te voir demain, ce que tu me diras tantôt. Ce que tu ne saurais assez me dire pour me remettre un peu de baumea dans le sang et de cœur au ventre, c’est si tu m’aimes toujours autant et si je suis plus que jamais ta bête à bon Dieu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 249-250
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « beaume ».


15 juillet [1848], samedi après-midi, 2 h. ½

Je vais bientôt reprendre ma course à travers les arrosements stupides des Parisiens et sous un soleil rissolant parce que je veux économiser un omnibus car à force d’en prendre, je ne pourrai bientôt plus prendre rien du tout. Les eaux sont extrêmement basses et pour peu que les omnibus persistent on pourra passer à pied sec sur ma pauvre grenouille desséchée. Il faudra que je vous donne mon mémoire très prochainement et que vous ayez la délicatesse de l’acquitter tout de suite si vous tenez à ma bonne opinion. Du reste, je sens que je suis d’une bêtise amère. Je ne sais pas si c’est la chaleur ou le chagrin d’être séparée de toi qui en est cause, mais je sens que je suis au-dessous de zéro pour la stupidité. Tout à l’heure, dans deux heures, enfin, je te verrai et je tâcherai de me ravitailler auprès de toi, de bonheur et de [diner  ?] commun dont je suis tout à fait au dépourvu. En attendant, je te baise partout et ailleurs encore bien davantage. Je voudrais baiser tes chères petites pattes et tes doux cheveux un à un pour faire durer le plaisir plus longtemps. Hélas ! J’ai à peine le temps de te serrer la main. Le moyen avec cela d’être heureuse et d’avoir de l’esprit.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/45
Transcription de Joëlle Roubine

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