Paris, 25 déc[embre] [18]78, mercredi matin, 7 h.
Cher grand bien-aimé, ce n’est pas une raison parce que tu viens de faire en ma faveur un acte généreux [1] et bon bien au-dessus de mon mérite pour que j’en devienne meilleure et que je t’en aime moins. Au contraire, car je me sens portée plus que jamais à t’aimer férocement et sans atténuation d’aucune sorte. Prends-en ton parti comme j’en prends le mien et aimons-nous, toi, avec la douceur d’un agneau, moi avec les tendresses d’une tigresse. Pourvu que ton bonheur résulte de ces deux incompatibilités je me tiens pour satisfaite et je ne demande rien de plus aux hommes, ni aux femmes, ni à Dieu. À ce propos je voudrais savoir si ta nuit s’est ressentie de ta bonne action et si tu as mieux dormi cette fois que les précédentes autres nuits passées ? J’attends le lever de Mariette pour m’en informer. En attendant je constate qu’il fait un froid de loup ce matin ; c’est à peine si je peux tenir ma plume car mon feu n’est pas encore allumé dans ma cheminée et celui de mon cœur brûle mon âme sans réchauffer mes mains. Ce galimatiasa même ne remplace pas le calorique qui manque à mon style et à ma personne. : Brrr… Je t’adore brrr !
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 214
Transcription de Chantal Brière
a) « galimathias ».