Paris, 2 déc[embre 18]78, lundi matin, 10 h. ½
Cher bien-aimé, c’est un regret et presque una malaise pour moi lorsque je suis forcée de faire attendre ma restitus pour laisser passer devant elle les petites affaires du ménage. Ainsi n’est-ce qu’à mon cœur défendant que cela m’arrive, comme aujourd’hui, où la lecture du Rappel [1], demandé par toi, a pris le meilleur de ma matinée ; mais cela pourrait être une coquetterie de mon amour, si j’en étais capable, pour me faire demander par toi ce que je désire te donner, ce que je veux te donner, ce qu’il me serait impossible de ne pas te donner tout mon cœur et toute mon âme dans ces deux mots : je t’aime, je t’adore. Aussi tu m’as comblé de joie tout à l’heure en t’apercevant de l’absence de ma chère petite restitus empêchée, empêchée et empêtrée malgré elle des affaires domestiques. Merci, mon adoré bien-aimé, de cette marque de tendresse qui n’est peut-être qu’une politesse de ton exquise bonté faite au culte passionné que je t’ai voué depuis le premier jour où je t’ai vu.
On me dit que Paul Meurice est dans la maison. Je vais le recevoir et savoir s’il déjeune avec nous…J’ai eu beau chercher ce cher ami par monts et par vaux, depuis le grenier jusqu’à la cave, les salons et le jardin, je ne l’ai pas rencontré encore. Peut-être est-il chez la Princesse [2]. Je vais m’en enquérir de nouveau après t’avoir répété encore une fois le mot de mon commencement et de ma fin : je t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 196
Transcription de Chantal Brière
a) « presqu’un ».