Guernesey, 8 nov[embre 18]78, vendredi matin, 8 h.
Temps mêlé ce matin, mon grand petit homme, pluie et soleil agrémentés d’un peu de tempête ; mais, peu importe, comme le dit ton ami Marquand, quand le voyage est tiré il faut le boire et la mer avec. C’est ce que nous ferons demain sans faire la petite bouche ni les uns ni les autres, je l’espère. Je regrette seulement la nécessité pour moi d’aller déjeuner chez Corbin, je dis nécessité par ce que je crains que tu ne veuillesa pas y aller sans moi, ce qui me force, en conscience, toute patraque que je suis aujourd’hui, à ne pas priver ce bon docteur de l’honneur que tu veux bien lui faire en acceptant son invitation. Peut-être serai-je mieux tantôt. Autre guitare, je n’ai pas encore donné congé à Rosalie parce que je n’ai pas assez d’argent pour cela. Il me faut 100 francs et je n’en ai que 40. Aie la bonté de me les envoyer tout de suite pour que ce soit une affaire définitivement réglée. Il faudra aussi, tout délai cessant, que tu refassesb l’inscription de ma table. Enfin, et avant tout, me faire savoir comment tu as passé la nuit et m’aimer moi qui t’aime à perte de cœur et d’âme. Je te souris, je te bénis, je t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 178
Transcription de Chantal Brière
a) « veuille ».
b) « refasse ».