Guernesey, 16 octobre [18]78, mercredi matin, 7 h.
Bonjour, mon doux adoré, bonjour. Je te souris, je te bénis avec tout mon cœur et de toute mon âme. Comment as-tu passé la nuit et comment es-tu ce matin ? J’attends le moment d’envoyer chez toi, dès que les portes seront ouvertes, le demander à Mariette. J’espère que tout est comme je le désire : c’est-à-dire plus de douleur au côté droit, plus de crachement rouge, partant plus de sinapismea, plus de lazaret, plus de Corbin. Rien que la joie de te sentir délivré de l’ennui d’un petit bobo et le bonheur de te savoir aimé et adoré par moi comme un être divin que tu es. Le temps serait parfait ce matin, n’était le brouillard très épais qui enveloppe tout l’horizon, ce qui vaut encore mieux pour toi en ce moment que le vent aigre des jours précédents. J’attends avec impatience de bonnes nouvelles de ta nuit ; puissent-elles être aussi satisfaisantes que je le désire. Ce sera le bonheur de toute ma journée. Je t’adore.
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House
Syracuse
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]
a) « cinapisme ».