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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey 11 oct[obre 18]78, vendredi matin, 5 h. ½

Dors, mon grand bien-aimé, pendant que je prie pour toi, que je te pardonne, que je t’aime et que je te bénis.
Je crois que le temps, s’il ne se gâte pas d’ici à quelques heures, permettra à notre bon et bien-aimé ami de partir ce matin. Le ciel est encore bien barbouillé de nuages noirs et épais mais le vent est tombé et c’est l’essentiel pour une traversée de mer.
Je pense, non sans trouble d’âme, que ce sera bientôt notre tour d’aller à Paris [1]. Mon cœur se serre en songeant à ce dernier va-tout de ma destinée et j’ai des envies folles de m’y soustraire tout de suite par la fuite avant la mort de ma dernière illusion et de ma dernière espérance. À quoi bon jeter sa dernière carte quand on est sûr d’avance d’avoir perdu la partie ? Ne vaut-il pas mieux, au contraire, la garder pour le suprême aléa de l’éternité ou nos âmes se retrouveront peut-être ? C’est ce que ma raison me conseille et ce que mon fol amour se refuse à faire avant d’avoir épuisé la dernière épreuve et reçu le dernier coup. Qu’il en soit donc ainsi puisqu’il a le triste courage d’oser le tenter.
Je tâche de trouver une pensée souriante pour le mot de la fin de ce pauvre gribouillis convulsé par toutes les angoisses et je n’en trouve pas d’autre que celui-ci :
Je t’adore.

Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House

MV-MVH, Villequier, Inv. 1973.5.1(13)
Transcription de Marie-Jean Mazurier
[Massin]

Notes

[1Juliette Drouet redoute que Victor Hugo n’y retrouve Blanche Lanvin.

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